Comment parler
de Jésus?
La
fréquentation du Jésus des Évangiles bouscule et affine les représentations que
nous avons de lui. Un entretien avec Jean-Louis Souletie, théologien, professeur
à l’Institut catholique de Paris. Publié le 14 avril
2014.
Beaucoup de chrétiens hésitent à parler de Jésus.
Certains disent même ne pas savoir, en être
indignes…
Pourquoi se
sentir indigne de parler de Jésus? Est-ce parce que c’est une figure tellement
héroïque, inatteignable, idéalisée, qu’on n’est pas capable d’en dire un mot? Il
y a là une sorte de culpabilité qui me surprend. Dans les Évangiles, Jésus est
un homme qui va manger avec les pécheurs, les publicains, et qui rencontre les
prostituées, les étrangers. Il n’hésite pas à interpeller les sadducéens, les
chefs des prêtres, les pharisiens. C’est un homme d’une très grande proximité,
qui n’a pas peur de franchir des barrières religieuses, sociales,
institutionnelles. Il est d’une grande liberté de parole, et il appelle des
disciples qui ne sont pas toujours à la hauteur. Je pense à Pierre qui renie et
à Judas qui trahit. Je trouve donc un peu étrange que l’on se demande
aujourd’hui si l’on est digne de parler de Jésus, alors que tout l’Évangile dit
qu’il n’hésite pas à aller au-devant des gens qui sont les plus loin,les plus
indignes selon les apparences.
On aurait donc
une mauvaise perception de Jésus?
J.-L. S.?:
Peut-être que cela vient d’une fréquentation insuffisante des Évangiles.
Aujourd’hui, le nombre de groupes bibliques, le nombre de gens qui lisent
l’Évangile devrait pouvoir façonner une autre perception de Jésus. J’arrive mal
à m’expliquer pourquoi on se dit indigne.
Peut-être que
beaucoup de gens se disent que pour parler de Jésus, il faut savoir des
choses?
J.-L. S.?: Oui,
on s’estime incompétent... Mais les plus grands saints, qui sont les plus grands
simples, n’étaient pas de grands savants et parlaient de Jésus. François
d’Assise en parlait très bien, de manière très simple, Thérèse de l’Enfant-Jésus
également, et ni l’un ni l’autre n’ont fait d’études théologiques... Je crois
qu’il n’y a pas besoin de compétences particulières pour parler de Jésus, la
fréquentation des Évangiles suffit.
On parle donc
toujours d’un Jésus que l’on porte en soi?
J.-L. S.?: Bien
sûr! Et ce qui est intéressant, c’est que la méditation des Évangiles, comme la
liturgie, ou encore les Évangiles mis en œuvre dans la vie spirituelle, la
catéchèse à partir de la Bible vont transformer ces représentations du Jésus que
l’on a en soi. On va découvrir qu’elles ne correspondent pas au Jésus imaginé.
Il va se passer ce qui s’est passé pour les apôtres qui ont eu de grandes
difficultés à percevoir qui était Jésus. Ils projetaient sur lui leur attentes
juives. Et la Résurrection a tout remodelé au prix d’une grande conversion de
leur part. Notre Jésus intérieur va être revisité, transformé par le Jésus
prêché dans les Évangiles. C’est ce qui s’appelle une
conversion.
Cela veut dire
que plus on fréquente Jésus, plus on peut en
parler?
J.-L. S.?: Oui.
Plus on fréquente Jésus dans les Évangiles et dans l’expérience qu’il fait faire
aujourd’hui de sa présence, plus les images qu’on se fait de lui vont se
décanter et plus on va être disposé à la contemplation. C’est l’aventure de
toute une vie chrétienne, exposée à cette rencontre «résurrectionnelle» de
Jésus, et qui va progressivement affiner en nous l’image de Dieu et de la
relation à Dieu. C’est cela l’enjeu: l’union ou la communion avec Dieu. Au fond
Jésus a pour fonction de nous porter vers Dieu, vers celui qu’il appelle son
Père et notre Père.
Beaucoup aussi
témoignent d’une relation amoureuse avec
Jésus.
J.-L. S.?:
Parler de Jésus dans un langage marqué par l’affect amoureux est traditionnel
dans la vie chrétienne. Thérèse de l’Enfant-Jésus en est un bon exemple. Son
rapport à Jésus est un rapport d’amour depuis qu’elle est toute petite. Thérèse
d’Avila, qui parle de l’humanité de Jésus, a le langage amoureux de son époque.
On pourrait en citer bien d’autres. Je me réjouis que le langage de l’affect
soit aujourd’hui porteur pour certains, parce que le message essentiel de Jésus,
c’est que Dieu est amour. Il n’y a pas qu’un langage rationnel pour dire l’amour
de Dieu. Bien sûr, il ne faut pas confondre l’amour avec les sentiments, mais
cela fait partie du décapage évangélique que de laisser purifier l’amour que
l’on a de Jésus. Il y a des prières qui parlent de l’amour qu’on porte à Jésus.
Je ne vois pas pourquoi on se priverait de cet accès, qui appartient à la
spiritualité chrétienne. Ensuite, il s’agit de purifier cette attitude comme ce
fut le cas pour Marie Madeleine dans l’Évangile. Le langage de Thérèse de
l’Enfant-Jésus a évolué en traversant la nuit de la foi. Il s’est transformé en
une prière : «Fais que je te ressemble
Jésus.»
Quels conseils
donneriez-vous aux catéchistes pour parler de
Jésus?
J.-L. S.?: De
se laisser faire par les Évangiles et de faire leur propre expérience de Jésus
avant d’aller la raconter aux autres (cf. la Samaritaine de Jean 4), et de se
laisser interroger par les différentes figures de Jésus. Même quand ils ne les
comprennent pas. Quand on a fait cette
expérience, on peut parler à d’autres, que ce soient des jeunes ou des adultes,
plutôt que de croire qu’on a simplement à transmettre quelque chose de tout
fait. On ne peut être passeur que si on est témoin. On devient catéchiste quand
l’Évangile a laissé des cicatrices dans notre vie. Sinon on est simplement un
instructeur encore extérieur à ce qu’il dit.
Propos
recueillis par Sophie de Villeneuve. Croire.com, 20 février
2014
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