Saint Jean de Capistran(+1456)
Jean, né à Capistrano, dans
l’Abruzze, était fils d’un gentilhomme français qui avait suivi à Naples le duc
d’Anjou, devenu roi de ce pays. Après ses humanités, il fut envoyé à Pérouse
pour y étudier le droit canonique et civil. On le pourvut d’une place de
judicature, et un homme riche et noble, charmé de ses qualités éminentes, lui
donna sa fille en mariage. Tout lui souriait dans le monde, quand tout à coup
s’évanouirent ces flatteuses espérances.
Dans une guerre contre le roi
de Naples, la ville de Pérouse le soupçonna de prendre le parti de ce prince ;
on le fit arrêter. Malgré son innocence et son éloquence à se défendre, il fut
jeté en prison. Sur ces entrefaites sa femme étant morte, il résolut de ne plus
servir que Dieu.
Il vendit tous ses biens, paya
sa rançon, distribua le reste aux pauvres, et se réfugia chez les Franciscains,
au monastère du Mont, près de Pérouse. Le gardien, craignant que cette vocation
ne fût l’effet d’un dépit passager plutôt que d’un mouvement de la grâce,
voulut l’éprouver. Il lui ordonna de faire le tour de la ville de Pérouse dont
il avait été gouverneur, monté à rebours sur un âne, couvert d’un mauvais habit
et la tête coiffée d’un bonnet de carton où étaient écrits divers péchés. Après
une telle épreuve, les humiliations du noviciat ne lui coûtèrent plus.
On lui donna pour maître un
simple frère convers, à la direction duquel Jean se soumit avec la simplicité
d’un enfant. Il fut traité par lui avec dureté : "Je rends grâces au
Seigneur, disait-il plus tard, de m’avoir donné un tel guide ; s’il n’eût usé
envers moi de pareilles rigueurs, jamais je n’aurais pu acquérir l’humilité et
la patience."
Jean fut renvoyé par deux
fois du noviciat comme incapable de remplir jamais aucun emploi dans la
religion. Il resta jour et nuit à la porte du couvent, souffrant avec joie
l’indifférence des religieux, les railleries des passants et les mépris des
pauvres qui venaient demander l’aumône. Une persévérance si héroïque désarma la
sévérité des supérieurs et dissipa leurs craintes. Jean, reçu de nouveau, fut
enfin admis à la profession.
Dès lors sa vie fut
admirable, il vivait uniquement de Jésus sur la Croix. Embrasé d’amour pour
Dieu, il faisait de sa vie une oraison continuelle : le Crucifix, le
Tabernacle, l’image de Marie, le jetaient dans l’extase : "Dieu,
disait-il, m’a donné le nom de Jean, pour me faire le fils de Marie et l’ami de
Jésus."
Ordonné prêtre, Jean fut appliqué au ministère de la
parole. Ses paroles produisaient partout des conversions nombreuses. Une secte
de prétendus moines, les Fraticelli, dont les erreurs et les mœurs
scandalisaient l’Église, fut anéantie par son zèle et sa charité. Le Pape
Eugène IV, frappé des prodigieux succès de ses discours, l’envoya comme nonce
en Sicile ; puis le chargea de travailler, au concile de Florence, à la réunion
des Latins et des Grecs. Enfin il le députa vers le roi de France, Charles VII.
Ami de saint Bernardin de
Sienne, il le défendit, devant la cour de Rome, contre les calomnies que lui
attirait son ardeur pour la réforme de son Ordre ; il l’aida grandement dans
cette entreprise, et il alla lui-même visiter les maisons établies en Orient.
Nicolas V l’envoya, en
qualité de commissaire apostolique, dans la Hongrie, l’Allemagne, la Bohème et
la Pologne. Toutes sortes de bénédictions accompagnèrent ses pas. Il ramena au
bercail de l’Église un grand nombre de personnes, et convertit une quantité
prodigieuse de Juifs et de Musulmans.
À cette époque, Mahomet II
menaçait l’Occident d’une complète invasion, tenait Belgrade assiégée, il se
promettait d’arborer le croissant dans l’enceinte même de Rome. Le Pape Calixte
III chargea saint Jean de Capistran de prêcher une croisade : à la voix
puissante de cet ami de Dieu, une armée de 40,000 hommes se leva ; il lui
trouva pour chef Huniade, un héros, et il la conduisit à la victoire.
Étant à trois journées de
marche des Turcs, tandis qu’il célébrait la Messe en plein air dans les grandes
plaines du Danube, les témoins ont rapporté qu’une flèche partie d’en haut
vint, pendant le Saint Sacrifice, se placer sur le corporal. Après la Messe, le
Saint lut ces mots écrits en lettres d’or sur le bois de la flèche : "Par
le secours de Jésus, Jean de Capistran remportera la victoire." Au fort de
la mêlée, il tenait en main l’étendard de la Croix et criait : "Victoire,
Jésus, victoire !"
Belgrade fut sauvée. C’était
en l’an 1456.
Trois mois après, saint Jean
de Capistran, ayant prononcé ces paroles du Nuncdimittis : "C’est
maintenant, Seigneur, que Vous laisserez mourir en paix Votre serviteur," expira
en disant une dernière fois : Jésus. Il avait soixante-et-onze ans.
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