Deux villes de Sicile,
Palerme et Catane, se disputent l’honneur d’avoir donné naissance à sainte
Agathe ; ce qui est certain, c’est qu’elle fut martyrisée à Catane, sous
l’empereur Dèce.
Dénoncée au préteur
Quintianus, comme chrétienne, Agathe lui fut amenée. La beauté de la jeune
fille le séduisit ; il conçut pour elle une passion criminelle et crut venir à
bout de son dessein en la remettant aux mains d’une femme débauchée, nommée
Aphrodisia. Aphrodisia employa son art et son artifice afin de séduire Agathe,
sans pouvoir y réussir ; et après un mois de tentatives, elle s’en fut trouver
le préfet pour lui annoncer l’inutilité de ses efforts.
Le juge alors fit comparaître
la servante du Seigneur devant son tribunal. "Qui es-tu ?
Je suis noble et d’une illustre famille, toute ma parenté le fait
assez connaître.
Pourquoi donc suis-tu la chétive condition des chrétiens ?
Parce que la véritable noblesse s’acquiert avec Jésus-Christ dont
je me dis la servante.
Quoi donc ! sommes-nous dégradés de noblesse pour mépriser ton
Crucifié ?
Oui, tu perds la véritable liberté en te faisant esclave du démon
jusqu’au point d’adorer des pierres pour lui faire honneur."
Afin d’apprendre à la jeune
fille à mieux parler, Quintianus la fit frapper sur la joue, et commanda qu’on
la conduisit en prison, lui disant qu’elle eût à se préparer à renier
Jésus-Christ ou à mourir dans les tourments. Le lendemain, le juge essaya de
gagner Agathe par des promesses, mais il la trouva inébranlable, et ses
réponses excitèrent tellement la rage du persécuteur, que, sur son ordre, on
arracha un sein à la Sainte. Elle dit à Quintianus : "N’as-tu pas honte, ô
cruel tyran, de me faire souffrir de cette façon, toi qui as sucé ta première
nourriture du sein d’une femme ?"
Quand elle fut rentrée dans
la prison où le préfet avait défendu de lui rien donner, saint Pierre lui
apparut et la guérit au nom du Sauveur ; la Sainte s’écria : "Je Vous
rends grâces, ô mon Seigneur Jésus-Christ, de ce qu’il Vous a plu de m’envoyer
Votre Apôtre afin de guérir mes plaies et de me rendre ce que le bourreau
m’avait arraché," et la prison fut remplie d’une si éclatante lumière que
les gardiens s’enfuirent épouvantés, laissant les portes ouvertes.
Les autres prisonniers
conseillaient à Agathe de prendre la fuite, mais elle répondit : "Dieu me
garde de quitter le champ de bataille et de m’enfuir en voyant une si belle
occasion de remporter la victoire sur mes ennemis."
Quatre jours après, Agathe
fut ramenée devant le juge qui, la voyant saine et sauve, fut rempli
d’étonnement ; sa rage n’en devint que plus grande. Par son ordre, on roula la
Sainte sur des têts de pots cassés et sur des charbons, en même temps que l’on
perçait son corps de pointes aiguës. Pendant ce supplice, un tremblement de
terre survint, et les principaux ministres de la cruauté de Quintianus furent
écrasés. La ville, épouvantée, vit là un châtiment du Ciel, et le persécuteur,
craignant qu’on ne lui enlevât sa victime, se hâta de la renvoyer en prison.
Quand elle y fut rentrée, Agathe dit : "Ouvrez, Seigneur, les bras de
Votre miséricorde, et recevez mon esprit qui désire Vous posséder avec tous les
transports d’amour dont il est capable," et en achevant ces mots elle
expira (254).
Aussitôt que la nouvelle de
cette mort se fut répandue, toute la ville accourut pour honorer les restes de
sainte Agathe, et au moment où on voulut la mettre dans le tombeau, cent Anges,
sous la figure de jeunes hommes, apparurent, et au front d’Agathe inscrivirent
ces mots : "C’est une âme sainte ; elle a rendu un honneur volontaire à
Dieu et elle est la rédemption de sa patrie." Quintianus, de son côté,
était parti pour se mettre en possession des biens de la servante de Dieu, mais
au passage d’une rivière, un cheval le mordit au visage et un autre, à coups de
pieds, le précipita dans l’eau où il se noya.
La dévotion à sainte Agathe
ne tarda pas de se répandre partout, mais nulle part elle ne fut plus honorée
qu’à Catane. Plusieurs fois sa protection a sauvé cette ville des éruptions de
l’Etna, et pour cela il suffisait aux habitants de donner, comme barrière aux
torrents de lave qui descendaient de la montagne, un objet qui avait touché le
corps de la Sainte.
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